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18/10/2011

Prisons : mesurer la récidive

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Prisons : mesurer la récidive
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

Selon une étude sur la récidive publiée en mai dernier par l'administration pénitentiaire et relayée dans le journal Le Monde paru le 15 octobre, 59% des anciens détenus sont à nouveau condamnés dans les cinq années suivant leur libération. L’étude montre que le risque de récidive est lié à différents facteurs : âge de la personne, situation matrimoniale, emploi, mais aussi nature du délit et de la peine.

  • Un "profil" du récidiviste ?

Ainsi, le fait d’être un homme, très jeune, sans emploi, de ne pas être marié et d’avoir déjà été condamné sont autant de facteurs qui augmentent le risque de récidive, parfois de façon spectaculaire. Les libérés de nationalité étrangère ont un taux de récidive moins élevé que les libérés français (44% contre 64%). Selon l’étude, "la probabilité de recondamnation est deux fois plus faible pour les femmes que pour les hommes. Le risque est trois fois plus important pour les mineurs à la libération par rapport aux jeunes majeurs de 18 à moins de 30 ans, "toutes choses égales par ailleurs". Ne pas être marié multiplie par 1,5 le risque de recondamnation ou de prison ferme. La probabilité d’avoir au moins une nouvelle condamnation dans les 5 ans est 3,7 fois supérieure pour les libérés qui avaient des condamnations antérieures par rapport à ceux qui n’en avaient pas. Celle d’avoir une nouvelle affaire sanctionnée par de l’emprisonnement ferme est 5,5 fois plus élevée".

  • Les petits délits conduisent plus souvent à la récidive

Contrairement à certaines idées reçues, plus l’infraction initiale était grave (viol, homicide), plus les chances d’être à nouveau condamné sont faibles. Moins d’une personne sur cinq ayant été condamnée pour viol sur mineur et moins d’une sur trois pour homicide volontaire est à nouveau condamnée dans les 5 ans suivant sa libération. Ce taux est de 57 % lorsque la première condamnation était pour conduite en état d’ivresse, et atteint les 74 % pour les vols simples, et même 76 % pour coups et blessures volontaires.

  • Les aménagements de peine limitent les risques de récidive

Autre point mis en avant par l’étude : l’importance des aménagements de peine. En effet, "les risques de recondamnations des libérés n’ayant bénéficié d’aucun aménagement de peine demeurent 1,6 fois plus élevés que ceux des bénéficiaires d’une libération conditionnelle".

Dans son rapport Comment rendre la prison (enfin) utile (2008), l’Institut Montaigne avait souligné l’importance de ces aménagements et proposait qu’avant la fin de toute peine privative de liberté, le condamné puisse sortir de l’établissement pénitentiaire où il est écroué, de façon partielle ou totale sans que l’écrou soit levé. Cette sortie progressive accompagnée d’un suivi est essentielle pour faciliter la réinsertion.

  • Mesurer la récidive

La lutte contre la récidive devrait être une priorité : une prison qui ne se préoccupe pas du devenir de ses détenus est inutile pour eux comme pour la société. Les chiffres de la récidive sont pourtant rarement rendus publics et l’étude publiée en mai dernier par l’administration pénitentiaire est parmi les plus complètes. Elle ne traite pourtant que de 7 000 dossiers alors que plus de 80 000 personnes entrent en prison chaque année.

Le nombre des incarcérations de récidivistes devrait être systématiquement connu (et suivi) par l’administration centrale, par les directions interrégionales et par les directeurs d’établissement pénitentiaire. Pour cette raison, l’Institut Montaigne propose de publier de façon régulière le chiffre des récidivistes et de faire de ce chiffre un instrument de mesure de l’efficacité pénitentiaire.

- Comment rendre la prison (enfin) utile (Institut Montaigne, 2008)
- Voir la minute Montaigne - Prison : réinsérer par l'emploi - L'exemple de Webhelp
- Voir la minute Montaigne - La réinsertion doit être au cœur des missions de la prison
- Voir La minute Montaigne - Prison : réinsérer les jeunes détenus
- Voir le débat de l’Institut Montaigne avec Jean-Marie Bockel, Jean-Marie Delarue et Pierre-Olivier Sur

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