Mais en rester là, dans une simple pose de culpabilité et de repentance, ne suffit pas à rendre compte de la réalité. Ce n’est pas simplement ce que « nous leur avons fait hier », qui explique leur comportement aujourd’hui. Leur neutralité dans un conflit - qui nous apparaît à nous occidentaux - d’une lumineuse simplicité : la lutte du bien (l’Ukraine) contre le mal (la Russie) est aussi la conséquence directe de ce que ces pays sont devenus au fil du temps. Leurs non choix reflètent leur crise morale, tout autant que politique.
Le cas de l’Afrique du Sud - qui vient de recevoir avec chaleur le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov et de tenir des manœuvres navales communes avec la Chine et la Russie - est particulièrement éclairant. Il y a un peu plus de vingt ans, l’Afrique du Sud de Mandela était un phare pour l’ensemble du continent africain, sinon le monde. Je me souviens en 1995 d’un dîner informel à l’Ambassade de Grande-Bretagne le soir où l’Afrique du Sud venait de remporter la Coupe du Monde de Rugby. Un grand nombre de convives - y compris l’auteur de ces lignes - étaient fiers de porter le maillot de la « nation arc en ciel ».
C’est peu de dire, que l’Afrique du Sud aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était. Son statut moral s’est largement effondré, sous l’effet combiné de l’aveuglement face à la crise du Sida, et de la corruption. Il ne faut pas hésiter à appeler un chat un chat. Tous les pays du Sud Global qui refusent de considérer qu’ils pourraient être eux aussi les prochaines victimes de la victoire de la force sur le droit, ignorent à leur dépens la gravité de la crise du multilatéralisme. L’ONU est presque totalement paralysée par le comportement de la Russie.
Des pays plus proches de l’épicentre du tremblement de terre géopolitique causé par Moscou sont par nécessité plus sages. Au Kazakhstan comme en Azerbaïdjan, les dirigeants commencent à prendre leur distance avec une Russie dont ils risquent de devenir les prochaines victimes.
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