Placer devant chaque élève de France un enseignant de qualité est sans doute la chose la plus importante que notre système éducatif puisse faire pour améliorer les résultats des élèves. Depuis plus d'un demi-siècle, les travaux de recherche en éducation montrent que les compétences professionnelles des enseignants et l'efficacité des méthodes qu'ils mettent en œuvre sont les premiers déterminants de la réussite des élèves. Malheureusement, depuis plus d’une décennie, l'érosion de la vocation enseignante s’intensifie, particulièrement pour certaines disciplines et sur certains territoires, mettant à mal l'objectif d’affectation d'un enseignant bien formé dans chaque classe.
En matière de recrutement, la politique d'à-coups a contribué à brouiller les perspectives d'entrée dans le métier et user les personnels de l'éducation nationale. La crise d'attractivité du métier d'enseignant, constatée à l'échelle européenne, appelle désormais, au sein de notre pays, une réflexion approfondie sur la politique de formation, le niveau de recrutement et la diversification des voies d'entrée dans le métier. Face à la pénurie d'enseignants, notre pays se doit d'être audacieux et de ne plus considérer l'enseignement uniquement comme une carrière.
Les à-coups de la politique de recrutement nuisent à son efficacité.
Depuis plusieurs années, les rapports se sont multipliés (Sénat, 2022 ; Cour des comptes, 2017, 2018 ; IGEN IGAENR, 2018 ; CNESCO, 2016 etc.) pour mettre en lumière un problème général d'attractivité du métier d'enseignant, que ce soit dans le premier (école primaire) comme dans le second degré (collège, lycée).
Selon les chiffres du ministère de l'Éducation nationale, pour le second degré, le nombre total de candidats présents au concours du CAPES a diminué de 63 % passant de plus de 50 000 en 1999 à moins de 20 000 en 2021. Pour le premier degré, le nombre total de candidats est passé de 35 000 en 2010 à 26 000 en 2021.
Concrètement, l'attrition du nombre de candidats se traduit par un tassement du taux de couverture aux concours (c'est-à-dire une diminution du ratio candidats / postes ouverts). Ce tassement a pour conséquence une diminution du taux de sélectivité des enseignants, voire des postes vacants, faute de candidats suffisants.
Ainsi, dans le second degré, entre 1999 et 2021, le nombre de candidats par poste ouvert au concours du CAPES a été divisé par 2, passant de plus de 7 à moins de 3,5. Et depuis 15 ans, 4 011 postes en mathématiques, 1 844 postes en anglais et 1 232 postes en lettres modernes, sont restés vacants à l'issue des concours.
Dans le premier degré, la situation est différente. Le concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) se faisant au niveau académique, la diminution du nombre de candidats se ressent particulièrement dans certaines académies peu attractives. À titre d'exemple, le nombre de candidats par poste ouvert au concours de professorat des écoles dans l'académie de Créteil est passé de 4,65 en 2009 à 1,15 en 2021. En conséquence, ce sont 438 et 364 postes de professeurs des écoles qui n'ont pas été pourvus en 2020 et 2021 au sein de cette académie.
La situation de la France n'est pas singulière. Selon un rapport du réseau européen sur les systèmes éducatifs Eurydice, 60 % des 43 systèmes éducatifs qui composent ce réseau sont confrontés à des difficultés de recrutement dans certaines disciplines, laissant "présager une réelle crise d'attractivité européenne du métier de professeur" selon les termes du rapporteur spécial des crédits de l’enseignement scolaire au Sénat.
Ajouter un commentaire