En conséquence, du fait de l'absence de "signal prix" adressé aux consommateurs, les autorités pourraient être amenées à réduire la consommation d'électricité et de gaz par le biais du rationnement.
La raison d'être de ce "bouclier contre l'inflation" en France était d'atténuer la boucle salaire-prix qui serait déclenchée par l'indexation automatique du salaire minimum légal sur l'inflation et, par conséquent, les bas salaires en général. Cette mesure est très coûteuse en termes budgétaires, et injuste, dans le sens où elle protège tout le monde, et pas seulement les personnes aux revenus les plus modestes. Cependant, le raisonnement macroéconomique qui sous-tend cette initiative est d'éviter une boucle salaire-prix qui conduirait à une inflation soutenue en France, et la perte de compétitivité qu'elle entraînerait par rapport aux pays voisins.
Réactions et défis politiques
Il est encore très difficile pour les pays de l'UE de se mettre d'accord sur une politique énergétique commune. Certains pays, comme l'Espagne, ont décidé de suivre leur propre voie, tandis que l'Allemagne poursuit sa politique en augmentant notamment sa dépendance au charbon. À mesure que l'industrie allemande augmente sa part habituelle du quota de carbone, le prix du carbone augmente, évinçant ainsi les entreprises moins solides financièrement des autres États membres, puisque le quota de carbone concerne l'ensemble de l'UE. Nous ne sommes pas vraiment dans un cadre coopératif en ce sens, car chaque pays gère ses propres affaires.
Pendant longtemps, la Banque centrale européenne (BCE) a considéré que la politique monétaire ne permettant pas de produire du pétrole ou du gaz, il lui fallait attendre un choc du côté de l'offre. Puis l'inflation, même non énergétique, a commencé à augmenter et la Fed est intervenue. La BCE a dû lui emboîter le pas car l'appréciation du dollar a pour conséquence d’exporter l'inflation dans le reste du monde, y compris dans la zone euro. La BCE va continuer à augmenter ses taux, mais dès qu'il y aura des signes concrets de récession, je pense qu'elle devra s’arrêter.
Un endettement accru des États et des entreprises
Les dettes publiques en Europe - déjà élevées après le Covid-19 - ne feront qu'augmenter avec la crise énergétique. Mais dans l’équation, on oublie souvent de mentionner la dette du secteur privé, qui provient essentiellement des entreprises : dans la zone euro, elle s’élève à 175 % du PIB ; en France, elle représente 230 % du PIB.
Nous entrons donc dans une zone de turbulences. Il s'agit d'une récession étrange, liée aux approvisionnements dans le contexte d'une dette privée très élevée des entreprises, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les bilans des banques. S'il y a des difficultés, et si nous commençons à voir des faillites (exactement ce que le gouvernement veut éviter) un cercle vicieux pourrait s'installer par lequel les banques souffriraient à cause de pertes dégradant la qualité de leurs actifs. Cela impliquerait une diminution des prêts bancaires, ce qui pourrait ralentir la reprise après la crise énergétique, quelle que soit sa durée. Les experts estiment que cette situation devrait durer entre deux et trois ans.
En quoi la situation économique est-elle différente aux États-Unis ?
L'inflation en Europe est très différente de celle des États-Unis, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'inflation en Europe découle essentiellement de la crise énergétique. Ce n'est pas le cas aux États-Unis, où le principal déterminant provient plutôt d'un exemple classique de manuel scolaire : trop d'argent pour trop peu de biens. Un choc lié à la pandémie a perturbé l’offre . À cela s'ajoutent des interventions massives de soutien de la demande de la part des gouvernements, qu'il s'agisse des administrations Trump ou Biden. En conséquence, les ménages disposent d’une épargne conséquente, et les tensions inflationnistes étaient inévitables.
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