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06/05/2020

Les États face au coronavirus – L’Estonie, ou le numérique en action

Les États face au coronavirus – L’Estonie, ou le numérique en action
 Morgan Guérin
Auteur
Fellow - Europe, Défense

Chronologie

  • 27 février : premier cas de coronavirus détecté dans le pays.
  • 12 mars : le gouvernement déclare le pays en situation d’urgence jusqu’au 1er mai.
  • 13 mars : lancement d’un hackathon en ligne, baptisé "Hack the crisis".
  • 17 mars : fermeture des frontières aux ressortissants étrangers ; les Estoniens et les détenteurs d’un permis de résidence qui rejoignent le territoire estonien à compter de cette date doivent être isolés pour une durée de deux semaines.
  • 19 mars : le gouvernement annonce un plan de relance économique de 2 milliards d’euros.
  • 23 mars : le gouvernement présente le chatbot "Suve" qui, intégré sur les sites internet de plusieurs institutions gouvernementales, a pour mission de répondre aux questions que se posent les citoyens sur l’épidémie.
  • 25 mars : premier décès d’un patient atteint du coronavirus.
  • 27 mars : renforcement des mesures de distanciation sociale et introduction de la règle " 2 + 2 " (deux personnes maximum et à deux mètres minimum des autres individus).
  • 2 avril : le pays atteint son pic de nouvelles infections journalières avec l’identification de 93 nouveaux patients contaminés.
  • 4 avril : le pays compte désormais plus de 1 000 cas de contamination 
  • 22 avril : le gouvernement approuve la stratégie de sortie de crise et la soumet au Parlement.

 Analyse 

"En Estonie, tous les services publics sont accessibles en ligne ; le seul acte que vous ne pouvez pas faire sans vous déplacer est de vous marier", explique Kersti Kaljulaid, présidente de la République d’Estonie, interrogée par la Harvard Business Review le 20 avril dernier.

L’Estonie reste à ce jour relativement préservée d’une épidémie de Covid-19 qui a pourtant durement touché les principaux États d’Europe occidentale. Le pays n’avait recensé, au 4 mai, que 1 700 personnes contaminées et 55 décès, soit un taux de contamination par million d’habitants de 1 255,9, ratio qui est de 3 367,26 pour l’Italie, 4 564,99 pour l’Espagne et 1 967,75 en France. Ce taux est néanmoins à prendre avec précaution, car il dépend fortement du nombre de tests réalisés.
 
Avec un produit intérieur brut de 30 milliards d’euros en 2018 (Banque mondiale), le pays connaissait une croissance de 4,8 % (OCDE) la même année et un endettement public s’élevant à 12,7 % du PIB, soit l’endettement le plus bas de la zone euro. En 2018, le gouvernement estonien consacrait 4,9 % de son PIB dans les dépenses de santé publique, ce taux s’élevant à 9,2 % au Japon, 9,5 % en Allemagne, 9,3 % en France, 6,5 % en Italie . 
 
Toujours selon l’OCDE, en 2017, le pays comptait 4,7 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants, ce même ratio étant de 13,1 au Japon, 8 en Allemagne, 6 en France et 3,2 en Italie. De manière générale, on constate une amélioration régulière du niveau de santé de la population estonienne depuis 1991 : en 2015, l’espérance de vie y était de 78 ans, soit un chiffre qui se rapproche des 80,6 ans constatés en moyenne au sein des pays de l’Union.

Depuis une vingtaine d’années, le jeune État estonien impressionne par le niveau de maturité de son administration dans l’utilisation des outils numériques. Tallinn est devenue en quelques décennies un centre important d’innovations technologiques. Avec Bolt ou Skype, le pays est à l’origine de start-ups d’importance mondiale, dont la valorisation dépasse largement le milliard de dollars.

L’apparition de l’épidémie 

Le 27 février, un premier individu contaminé par le coronavirus est identifié sur le territoire estonien, un ressortissant iranien qui voyageait en bus depuis la capitale lettone, Riga.
 
Dès le début du mois de mars, l’île de Saaremaa, située à l’ouest du littoral baltique, devient l’épicentre de l’épidémie dans le pays. Les 4 et 5 mars, l’équipe milanaise de volley-ball y séjourne pour une rencontre sportive ; plus de 200 cas sont recensés dans les jours qui suivent, notamment parmi les spectateurs et leurs proches. Le 12 mars, le gouvernement décrète la situation d’urgence pour tout le pays et interdit aux non-résidents de rejoindre l’île qui ne compte que 147 lits d’hôpitaux pour une population de 36 000 habitants. Afin de répondre à la situation sanitaire à Saaremaa, les autorités décident d’y implanter un hôpital militaire, d’organiser le transfert de certains malades vers le continent et d’y multiplier les dépistages, y compris selon la méthode du drive-through, un dispositif permettant d’être testé en restant dans sa voiture. 

La réponse du gouvernement 

Sur l’ensemble du territoire estonien, les mesures prises dans le cadre de la situation d’urgence sont comparables à celles adoptées ailleurs en Europe. Les citoyens sont appelés à rester chez eux et n’ont l’autorisation de sortir que pour se rendre au travail ou pour réaliser des achats alimentaires ou médicaux. Les événements publics sont interdits et les musées ainsi que les cinémas restent fermés. Dans les commerces qui peuvent rester ouverts – magasins alimentaires, pharmacies, enseignes de télécommunication et banques notamment – comme dans la rue, les citoyens sont invités à respecter la règle du "2 + 2", limitant les déplacements aux groupes de deux personnes maximum et imposant une distance de deux mètres les séparant des autres individus. Cette règle ne concerne pas les familles. Les établissements scolaires et d’enseignement supérieur – à l’exception des écoles maternelles – ferment à partir du 16 mars et maintiennent l’activité pédagogique à travers des dispositifs d’enseignement à distance.
 
Dès le 17 mars, des contrôles sanitaires sont organisés aux frontières pour identifier les porteurs du virus : toute personne entrant dans le pays doit remplir un questionnaire afin de préciser les raisons de son séjour et de déclarer le lieu où elle s’engage à résider. Les allers-retours quotidiens en ferry entre Tallinn et Helsinki, importants économiquement, sont dorénavant interdits.

Si la question des masques et celle de la méthode de dépistage ont fait l’objet, comme ailleurs, de riches débats, c’est la place prise par les outils numériques qui est au cœur de la réponse singulière de l’Estonie face à cette crise inédite. 

S’agissant des masques, la presse estonienne fait écho à la mi-mars des difficultés rencontrées par les entreprises pour se fournir sur le marché et d’une augmentation des prix de plus de 1 000 %. Le 22 mars, le Health Board, l’agence sanitaire nationale placée sous le contrôle du ministère des Affaires sociales, annonce l’arrivée imminente de livraisons et détaille les difficultés auxquelles le pays doit faire face. Pour Merike Jürilo, directeur général de l’agence, ces difficultés proviennent notamment des restrictions allemandes à l’exportation de masques et de l’arrêt de la production chinoise. Au même moment, les autorités policières du pays indiquent que les stocks de masques pourraient venir à manquer en matière d’équipement des agents.

Dès la fin du mois de mars et au cours du mois d’avril, des millions de masques sont livrés en provenance d’Asie et de Russie, alors que les industriels du pays augmentent parallèlement leurs capacités de production. Le 15 avril, le Premier ministre Jüri Ratas annonce l’envoi de 60 000 masques en Espagne et Italie pour répondre à la demande d’aide déposée par les deux pays auprès de leurs partenaires européens. Moins d’une semaine plus tard, c’est au tour de Taiwan d’offrir 80 000 masques à l’Estonie...

Du côté des campagnes de dépistage, l’Estonie est l’un des pays européens les plus actifs en la matière. Avec 41,62 tests réalisés pour 1 000 habitants, il est loin devant la France (11,1), l’Espagne (28,9), l’Allemagne (30,4) ou l’Italie (34,88). S’il semble que la faible population explique en partie la réussite estonienne, il importe également de considérer le volontarisme du gouvernement. Dès le 6 avril, les autorités sanitaires du pays indiquent vouloir dépister les personnes symptomatiques comme asymptomatiques afin de disposer d’une meilleure compréhension de l’évolution de l’épidémie entre les différents comtés et du taux de prévalence du virus dans la population totale. Des tests sont ainsi conduits de manière aléatoire, et font l’objet de rapports hebdomadaires. 

Si la question des masques et celle de la méthode de dépistage ont fait l’objet, comme ailleurs, de riches débats, c’est la place prise par les outils numériques qui est au cœur de la réponse singulière de l’Estonie face à cette crise inédite. 

Le numérique en action

Dès la fin des années 1990, l’Estonie multiplie les initiatives et les investissements pour transformer ses services publics et les rendre accessibles à chaque citoyen de manière numérique. En 2016, Wired, le périodique américain spécialisé dans les nouvelles technologies, a ainsi qualifié le pays de "société la plus avancée au monde en matière de numérique".
 
Dans les heures qui suivent la déclaration du pays en situation d’urgence, le gouvernement estonien annonce l’organisation d’un important hackathon, "Hack the crisis", qui se déroule entièrement en ligne. Organisé par Accelerate Estonia, plateforme d’innovation lancée par le ministère des Affaires économiques, et Garage48, start-up estonienne spécialisée dans l’organisation de hackathons, cet événement se déroule du 13 au 15 mars.

Son fonctionnement est simple : chaque participant est invité à partager avec la communauté une idée permettant de répondre à un des enjeux soulevés par l’épidémie, les meilleures idées étant sélectionnées par un jury d’experts des sphères publique et privée. Cinq lauréats remportent 5 000 euros leur permettant d’entamer la réalisation de leur projet. Plusieurs fonds d’investissement soutiennent l’événement et peuvent décider d’engager des fonds supplémentaires dans un projet. En moins de 48 heures, près de 1 000 participants y prennent part et une trentaine de projets sont proposés.

En 2016, Wired, le périodique américain spécialisé dans les nouvelles technologies, a ainsi qualifié le pays de "société la plus avancée au monde en matière de numérique".

Depuis, une cinquantaine d’autres pays ont organisé leur propre hackathon, certains travaillant directement avec les organisateurs estoniens et sous la même dénomination, "Hack the crisis". Quatre initiatives imaginées lors de cet événement ont déjà été mises en œuvre dans le pays. 

1. Un tableau de bord interactif pour suivre l’évolution statistique de l’épidémie

Un site internet baptisé KoroonaKaart, comportant une carte interactive et un tableau de bord, permet à chacun de suivre l’évolution de l’épidémie. D’une très grande facilité de consultation et continuellement mis à jour, il offre un suivi en temps réel de nombreux indicateurs, parmi lesquels le nombre de cas confirmés (au niveau national et par comtés), le nombre de dépistages réalisés ou encore le nombre de décès. Ce tableau de bord, existant également sous la forme d’une application, a été développé à partir de la plateforme d’open data du gouvernement estonien.

2. Le chatbot Suve pour répondre aux interrogations des citoyens

Développé à la demande du gouvernement, ce chatbot répond aux questions les plus fréquentes au sujet de l’épidémie, en estonien et en anglais. Ce service, s’appuyant sur une intelligence artificielle, assure la mise à jour instantanée de l’information partagée dans les réponses automatiques et élimine le travail de recherche des utilisateurs. D’un point de vue budgétaire, le chatbot représente un coût moins important que de multiples centres téléphoniques qui seraient répartis dans différentes administrations.
 
Une fois développé, le même chatbot peut être inséré sur de nombreux sites – il est notamment présent sur le site du gouvernement, la page dédiée à la situation d’urgence ou encore le site estonien d’information pour les investisseurs étrangers. Il permet ainsi aux utilisateurs de poser leurs questions à n’importe quelle étape de leur recherche d’informations et d’obtenir une réponse exhaustive sans avoir recours à un autre site. Autre avantage, le nombre de questions auxquelles le chatbot peut répondre augmente continuellement. Les questions laissées sans réponse sont ainsi transmises, en priorisant les questions les plus fréquemment posées, à une équipe dédiée, la eeBot team, qui travaille en collaboration directe avec le service de communication du gouvernement. Enfin, chaque développeur est invité à participer à l’amélioration de cet outil grâce à un site internet qui présente ses principales caractéristiques techniques. 

3. Un questionnaire en ligne pour l’auto-évaluation médicale des utilisateurs

Le ministère des Affaires sociales a créé un questionnaire en ligne permettant à chacun de procéder à une évaluation préliminaire de sa situation médicale et de recevoir des conseils précis sur les démarches à entreprendre.
 
En répondant à ce questionnaire, les individus peuvent également choisir de partager leurs informations avec l’administration, autorisant celle-ci à enrichir l’ensemble des données dont elle dispose et ainsi mieux suivre l’évolution de l’épidémie.

4. La plateforme Covid-help pour l’organisation de l’action des soignants volontaires

La start-up estonienne Zelos, créée en 2019 et qui commercialise une plateforme de gestion des équipes de volontaires, a proposé de développer une plateforme intitulée Covid-help, qui met en relation les personnes âgées ayant besoin d’une aide particulière avec une personne volontaire.
 
Sur le plan technologique, Zelos fonctionne selon un modèle économique classique de type Software-as-a-Service (Saas) entièrement hébergé sur le cloud. En moins de quarante-huit heures, les équipes de Zelos ont connecté le système informatique (backend) de leur solution sur un tableau de bord conçu par Trello, célèbre outil de gestion en ligne, et ont ensuite conçu une API (Application Programming Interface) permettant à chaque site internet gouvernemental ou applications (frontend) d’intégrer ce service.
 
Le système développé par Zelos gère l’inventaire des requêtes déposées en ligne ou via un centre téléphonique créé à cette occasion et organise le travail des volontaires. Une personne âgée ayant besoin de quelqu’un pour ses courses pourra ainsi trouver un voisin disposé à lui rendre ce service. Sur l’ensemble du territoire estonien, plus de 2 000 volontaires se sont inscrits sur cette plateforme.
 
Les exemples présentés ici ne sont qu’un échantillon des multiples initiatives numériques lancées ces dernières semaines. En seulement quelques jours, l’administration estonienne a également permis à chaque salarié d’obtenir un certificat médical numérique afin de ne pas encombrer les cabinets médicaux ou les services d’urgence. De même, une plateforme a vu le jour permettant aux entreprises les plus durement touchées par la crise économique de mettre leurs salariés à la disposition d’entreprises devant faire face à une demande plus importante.

Les trois leçons de l’Estonie 

La réussite des administrations estoniennes dans le déploiement de services publics numériques performants n’est plus à démontrer. L’analyse du cas estonien permet de souligner trois enseignements. 
 

  1. Le premier, bien connu, est la nécessité d’entamer un plan de transformation numérique sur le long terme. Aucune solution technologique – si performante et intelligente soit-elle – ne peut fonctionner parfaitement si elle ne s’insère dans un écosystème numérique mature et au sein d’une population dont la connaissance et la confiance dans les outils numériques est importante, qu’il s’agisse des développeurs, concepteurs, administrateurs ou utilisateurs finaux.

    Le développement des technologies de l’information au sein des administrations publiques et de la société estoniennes au cours des vingt-cinq dernières années a fait l’objet de nombreuses études universitaires et rapports. Tallinn, consciente du soft power que sa réussite lui confère, multiplie également les communications en la matière et ne manque aucune occasion de mettre en avant ses mérites sur les nombreux sites internet de ses institutions – une partie des informations recensées dans cet article y trouve sa source.

    En Estonie, il est ainsi possible de déclarer ses impôts en ligne depuis l’année 2000 et c’est dès l’année suivante que le système de gestion des données publiques a vu le jour : X-Road, toujours en production actuellement, dont l’architecture a rendu possibles de nombreuses initiatives qui éclosent en Estonie chaque année. En 2002, était lancé le système de carte d’identité numérique ID-card ; devenu progressivement un système d’authentification globale. ID-card permet aujourd’hui aux citoyens d’effectuer la quasi-totalité de leurs actes administratifs en ligne. Des services médicaux à l’éducation, de la police en ligne à la base de données cadastrales, à une exception près (le mariage), la totalité des services publics estoniens ont progressivement été numérisés. Plus que les rapides innovations que le pays a su créer depuis le début de l’épidémie, c’est ce système d’informations public performant et intelligemment conçu qui explique une grande partie de la résilience sanitaire et administrative estonienne.
     
  2. Chacun pourra immédiatement constater les vertus du deuxième enseignement que l’exemple estonien peut inspirer : l’importance de l’expérience utilisateur, ou user experience (UX). Cette notion, aujourd’hui utilisée par l’ensemble des entreprises souhaitant interagir avec leurs clients par des canaux numériques, renvoie à la facilité d’utilisation des sites, applications et logiciels, et à la rapidité avec laquelle chacun peut trouver l’information ou le service qu’il recherche. Contrairement à de nombreux sites d’administrations nationales ou d’organisations internationales, les pages internet des pouvoirs publics estoniens sont dans leur grande majorité agréables et ergonomiques. Dans un monde numérique où des centaines de millions de pages sont accessibles en quelques secondes, l’UX est sans doute le premier facteur de réussite d’un site, c’est-à-dire de son adoption par les utilisateurs.

    Mettre immédiatement en ligne un site internet – KoroonaKaart – présentant les principales données de l’évolution de l’épidémie, a certainement présenté de nombreux avantages pour le gouvernement estonien : la transparence vient renforcer la confiance entre les administrations et les citoyens, le site joue le rôle d’un juge de paix dans le débat public et limite ainsi les polémiques éventuelles. Enfin, chaque citoyen peut suivre quotidiennement l’évolution précise des contaminations dans sa région et adapter en conséquence ses décisions de déplacements. Ce n’est pas la publication de ces données en tant que telle qui rend ces vertus possibles, mais bien la simplicité de l’expérience utilisateur et la capacité de chaque utilisateur à s’approprier les informations fournies. Mises en lignes sur un tableur Excel aux confins d’un site internet compliqué, ces mêmes données auraient été considérablement moins consultées, et donc considérablement moins utiles.
     
  3. Le troisième et dernier enseignement fait figure de tarte à la crème tant nous sommes habitués à entendre vanter ses mérites sans pouvoir les constater : le modèle de plateforme et la coopération fructueuse entre secteurs publics et privés. Les hackathons sont sans doute les meilleurs exemples de l’efficacité des modèles collaboratifs et des plateformes où échangent entre eux étudiants, développeurs, fonctionnaires et dirigeants d’entreprises. En organisant, dès les premiers jours de la situation d’urgence, un événement de réflexion collective en ligne, les pouvoirs publics estoniens se sont évités de longues semaines de lourdeurs bureaucratiques aux résultats hasardeux. En quelques heures seulement, plusieurs idées d’intérêt général ont été identifiées et une première analyse de leur faisabilité technique et fonctionnelle a été réalisée par les nombreux experts participant à l’événement. Une entreprise comme Zelos a ainsi pu tirer parti de l’exposition médiatique de cette initiative pour démontrer l’efficacité de ses solutions, la présentant et la rendant utile à chacun.

    Le facteur démographique, dans un pays qui ne compte que 1,3 million d’habitants, explique en partie les réussites de ce mode de collaboration. Néanmoins, ce type de partenariat fécond entre les pouvoirs publics et les entreprises privées est également le fruit d’investissements anciens dans un système de gestion des données publiques solide et transparent, bénéficiant d’une grande confiance de la part des citoyens, ainsi que d’un cadre légal et réglementaire adapté et en constante évolution pour répondre à chaque nouvelle technologie.

Conclusion

Ces différentes innovations n’ont pas eu d’effets miraculeux en tant que tel sur l’évolution de l’épidémie. Face à l’accélération des contaminations, l’Estonie, comme la plupart des États européens, a dû se résoudre à imposer des mesures de confinement coûteuses pour son économie. Néanmoins, ces différentes solutions numériques, développées avec succès et en seulement quelques jours, ont permis aux pouvoirs publics de fournir aux citoyens une information précise et continuellement mise à jour et de résoudre des problèmes nouveaux, causés pour la plupart par les mesures de confinement. À la fin de l’épidémie, il apparaitra certainement que ces outils numériques – entre autres facteurs – auront permis à l’Estonie d’éviter la désorganisation constatée dans d’autres pays.

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