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22/05/2019

Indicateurs de qualité des soins : quels modèles pour la France ?

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Indicateurs de qualité des soins : quels modèles pour la France ?
 Laure Millet
Auteur
Experte Associée - Santé

Dans son dernier rapport Système de santé : soyez consultés !, l’Institut Montaigne émet dix propositions concernant la mise en place d’indicateurs de qualité pour notre système de soins. Les indicateurs de qualité, et notamment les indicateurs de résultats, sont indispensables pour permettre une bonne évaluation des soins prodigués et une meilleure orientation du patient dans le système de soins. Certains pays se sont déjà engagés dans cette voie, notamment les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, les États-Unis et le Canada. Quelles sont les bonnes pratiques mises en place dans ces pays ? Comment pouvons-nous nous en inspirer ?

Indicateurs de qualité des soins : quels modèles pour la France ?

La Suède, pays pionnier dans l’évaluation de la qualité des soins et des pratiques

La Suède fut la première, dès les années 1970, à mettre en place un système de recueil des indicateurs de qualité, qui est très complet et transparent. Ce système répond au principe fondateur du Swedish Healthcare Act selon lequel "le système de santé suédois doit assurer l’accès à des soins de santé de qualité pour l’ensemble de sa population"

Créés dans les années 1990, les National Quality Registries (NQR) représentent plus de 100 registres de qualité nationaux spécifiques, chacun étant propre à une pathologie et chargés de récolter les indicateurs de qualité incluant des indicateurs renseignés par les patients (les Patients Reported Outcomes Measures ou PROM) et par les cliniciens (les Clinicians Reported Outcomes Measures ou CROM). Ces registres ont été créés et portés par la profession médicale et sont à présent financés à 70 % par l’État et à 30 % par les comtés et régions. 

Le recueil des PROM via les NQR est obligatoire pour que les hôpitaux obtiennent une certification de haut niveau. Toutes les données sont ensuite publiées sous la forme d’un rapport annuel propre à chaque NQR, facilement accessible sur internet et consultable par tous. Les résultats présentés sont très détaillés et mis à jour chaque année.

Ce que la France pourrait retenir de la Suède

  • Les indicateurs de résultats intégrés dans les régimes d’autorisation des activités de soins et de certification des praticiens.

Les Etats-Unis,  une logique de rémunération à la performance

Aux États-Unis, la réflexion sur la nécessité de collecter des indicateurs de qualité du système de santé issus des retours patients a été initiée dès les années 1990. Désormais, le retour des patients fait partie intégrante du paiement à l’épisode de soins et est intégré dans les initiatives d’amélioration du système de santé. De plus, il existe de nombreuses incitations financières, visant à inciter les médecins à récolter des données, dans une logique de rémunération à la performance et de transparence. Les professionnels de santé sont ainsi encouragés à utiliser des indicateurs de qualité et à publier leurs résultats afin d’obtenir un remboursement plus élevé.

Les entités en charge de récolter les indicateurs de qualité sont très nombreuses et peuvent être issues d’initiatives nationales, locales, publiques ou privées. De multiples acteurs ont défini des indicateurs de qualité et des modalités de recueil (digital ou papier). Le National Institute of Health a créé par exemple l’initiative "Patient-Reported Outcomes Measurement Information System" (PROMIS) en 2004. PROMIS est une plateforme web qui vise à élaborer et à valider de manière fiable les résultats déclarés par les patients pour la recherche et la pratique clinique. 

Les expérimentations ou structures de recueil d’indicateurs de qualité ont montré des résultats prometteurs pour les professionnels de santé et les patients : une amélioration de la prise en charge du patient, une prise de décision partagée entre le médecin et le patient et une meilleure relation entre le médecin et le patient.

Ce que la France pourrait retenir des États-Unis

  • La part de la rémunération à la qualité devra être augmentée dans les revenus des médecins et des établissements de santé. Ceux-ci devront également être incités financièrement à recueillir et à renseigner les indicateurs de résultats.

Au Royaume-Uni, un système transparent pour guider les patients

Depuis les années 1990 au Royaume-Uni, les indicateurs de qualité sont recueillis par trois différentes structures : le Care Quality Commission, le NHS Digital et le National Joint Registry.

Il existe une grande multiplicité de sources de données permettant de recueillir des indicateurs de qualité, à la fois de résultats cliniques (CROM) et de résultats rapportés par les patients en termes de qualité de vie (PROM). Le recueil de PROM par le National Health Service (NHS), l’équivalent de l’Assurance Maladie en France, est d’ailleurs obligatoire pour quatre pathologies cibles : la chirurgie du genou, la chirurgie de la hanche, la chirurgie des varices et la hernie. 

Le modèle du Royaume-Uni est très transparent : 100 % des résultats recueillis sont publiés sous la forme de rapports en ligne et accessibles à travers des bases de données publiques du NHS (My NHS et NHS Choice, qui a récemment fusionné avec le site de la NHS). Ces bases de données permettent aux patients de choisir de manière éclairée leurs hôpitaux et professionnels de santé sur la base de nombreux indicateurs de qualité qui comptent pour eux. Celles-ci sont faciles d’accès et intuitives pour les patients : la base NHS Choice est en effet très plébiscitée par les patients et comptabilise 48 millions de visites par mois, répondant ainsi à une réelle demande.

Ce que la France pourrait retenir du Royaume-Uni

  • La transparence et l’accessibilité des données, qui permet aux patients de s’orienter dans le système de soins et aux professionnels de santé de comparer leurs pratiques.

Au Canada, des indicateurs développés et recueillis au niveau local

De nombreuses initiatives de récolte d’indicateurs de qualité existent au Canada. Ces indicateurs sont disponibles sous différents formats : enquêtes, sondages, questionnaires de qualité de vie ou registres. On retrouve notamment des indicateurs de résultats (PROMs et CROMs) parmi les données recueillies. Le Canada étant très vaste, le recueil d’indicateurs de qualité se fait essentiellement à l’échelle locale ou régionale sans réelle cohérence nationale. 

Cependant, on observe depuis quelques années une prise de conscience et une volonté d’initier la récolte d’indicateurs de qualité au niveau national. Ainsi en février 2015, l’Institut Canadien d’Information sur la Santé (ICIS) a appelé à une coordination nationale de l’ensemble des expérimentations existantes et à un développement uniforme des PROMs.  L’ICIS a adopté le rôle de leader dans la coordination de ces PROMs afin de convaincre l’ensemble des acteurs de se saisir de l’initiative.

Ce que la France pourrait retenir du Canada

  • La création d'un organisme pour coordonner l’ensemble des expérimentations existantes et veiller au développement uniforme des indicateurs de qualité des soins sur l’ensemble du territoire

Aux Pays-Bas, des initiatives efficaces dans plusieurs spécialités médicales

Le tout premier système d’évaluation de la qualité des soins aux Pays-Bas a été crée en 2009 à l’initiative de l’Association des chirurgiens des Pays-Bas. L’objectif était d’évaluer et d’améliorer la qualité de la prise en charge et les bonnes pratiques des soins hospitaliers dans le cancer colorectal. Ce registre a permis de recenser des indicateurs de performance (indicateurs de processus et de résultats) et des indicateurs de structures (volumétrie de patients, accès à l’équipe médicale). Les résultats des indicateurs sur la période 2009 à 2014 pour les patients atteints d’un cancer colorectal publiés ont démontré une réduction du taux de complications et une amélioration de la prise en charge des patients.

Fort de ce succès, l’institut DICA (Dutch Institute for Clinical Audit ou Institut néerlandais d’audit clinique), organisation à but non lucratif financée par l’État et par des initiatives privées, a été créé en 2011 avec pour objectif de développer et de coordonner d’autres registres de résultats nationaux couvrant plusieurs pathologies. Depuis, 21 registres ont été créés.  

Les données issues de ces registres sont publiées de façon exhaustive, transparente et en open data sur un site internet dédié, sous forme de fichier Excel. Les données sont brutes et non classées : les assurances privées, les associations de patients, les patients eux-mêmes, etc. peuvent se saisir librement des résultats du fichier et établir leur propre classement des hôpitaux.

Ce que la France pourrait retenir des Pays-Bas

  • La mise en place un chemin progressif de recueils et de publications des indicateurs de qualité par les établissements de soins.
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