Barkhane est souvent décrite comme une opération sans objectif : ce n’est pas le cas. C’est une opération qui s’est fixée des objectifs ambitieux basés sur une appréciation erronée et optimiste des dynamiques politiques en cours au Sahel, et qui a été mise dans l’impasse par l’incurie de la classe politique au pouvoir dans la région. Cela n’exonère nullement le système politique et administratif français de ses propres erreurs d’analyses, d’appréciation ou de communication, mais il est faux de dire que cette opération a été conçue sans cadre, sans objectif et sans rôle pour permettre une présence française éternelle et supposément prédatrice dans la zone. Au contraire, Barkhane a rapidement pris conscience de ces sables-mouvants et les autorités françaises ont, dès 2015, cherché à se désensabler.
La lutte contre le terrorisme menée entre 2013 et 2022 a permis aux forces françaises, maliennes, nigériennes et burkinabè de mettre hors-de-combat (ils sont soit tués, soit arrêtés et remis à la justice locale) les émirs (“prince” ou chef) des quatre katibats d’AQMI et plusieurs dizaines de leurs responsables opérationnels, les émirs d’Al Mourabitoune et du MUJAO, un grand nombre de responsables d’Ansar Eddine, trois des cinq émirs du JNIM et les émirs de l’État Islamique au Sahel. Si ces réussites militaires n'ont pas permis de mettre fin au phénomène de terrorisme au Sahel, elles ont permis de mettre un terme à l’action de la quasi-intégralité des vétérans étrangers du jihad, qu’ils soient algériens, mauritaniens, libyens, tunisiens, marocains ou levantins.
Les conséquences de cet effort de long-terme ont été :
- La fin des attentats de grande ampleur dans les capitales sahéliennes depuis 2018 et la nette réduction des enlèvements d’étrangers ;
- La non installation d’Al Qaïda en Libye ;
- La fragilisation des maquis jihadistes algériens en miroir des politiques antiterroristes efficaces menées par les forces armées algériennes ;
- Une baisse structurelle des capacités opérationnelles et médiatiques de ces groupes, entraînant la formation du JNIM pour rallier les structures en difficulté liées à Al Qaïda sous un seul commandement ;
- La proposition de discussions politiques du JNIM vers les autorités maliennes et la mention d’un arrêt des projets terroristes contre la France sous condition de son départ du Mali. Une concession politique illustrant sa difficulté à faire face aux forces françaises.
Une insurrection renaissante sur les cendres des réussites franco-maliennes
Cette politique a, en revanche, ignoré un facteur déterminant, qui s’est vu accéléré par les succès de la lutte contre le terrorisme : l’avant-garde jihadiste étrangère globaliste a réussi à se transformer en une insurrection locale de grande ampleur au nom de l’Islam.
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