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29/04/2022

Après la Présidentielle, les législatives : quelle place pour un retour à l’équilibre budgétaire ? 

Après la Présidentielle, les législatives : quelle place pour un retour à l’équilibre budgétaire ? 
 Lisa Thomas-Darbois
Auteur
Directrice adjointe des études France et Experte Résidente

Le 27 avril dernier, le Conseil constitutionnel l’a officiellement annoncé : Emmanuel Macron a été élu président de la République lors de l’élection présidentielle française de 2022. 

Ce dimanche 24 avril dernier, le président-candidat a en effet recueilli 58,5 % des suffrages exprimés contre 41,5 % pour Marine Le Pen. Plus jeune président élu de la Vème République, Emmanuel Macron devient également le premier président réélu au suffrage universel hors cohabitation. La France s'apprête donc à vivre "cinq ans de plus" sous la présidence de ce dernier, un nouveau mandat dont les défis seront plus que jamais sociaux et environnementaux.

Si cette victoire du front républicain est claire et sans ambiguïté, force est de constater que l’écart entre le candidat fondateur de La République en Marche et la candidate du Rassemblement National, s’est considérablement réduit depuis cinq ans. En 2017, Marine Le Pen recevait 33,9 % des suffrages exprimés, contre 66,1 % pour Emmanuel Macron, soit près de 10 millions de voix de différence. Ce dimanche, cet écart se réduisait à 5,48 millions de voix, soit près de deux fois moins. En prenant en compte la forte abstention - seuls 72 % des électeurs se sont mobilisés pour voter - le président sortant a obtenu les suffrages de seulement 38,5 % du corps électoral. De son côté, la candidate d’extrême droite, victorieuse dans seulement deux départements en 2017, était dimanche dernier en tête dans 28 départements : les cinq départements d’outre-mer, les deux départements de la Corse, la moitié du pourtour méditerranéen et une bonne partie du nord et du nord-est de la France. Hors de ces territoires - dans lesquels le Rassemblement National réalise historiquement de bons scores - Marine Le Pen a également gagné du terrain dans le Sud-Ouest, où elle est arrivée en tête dans le Lot-et-Garonne ainsi que dans le Tarn-et-Garonne.

Face à la progression de l’extrême-droite et pour répondre aux attentes de l’électorat de Marine Le Pen, Emmanuel Macron est confronté à un défi de taille : renouer avec la confiance des Françaises et des Français. Pour y parvenir, le président réélu doit tout d’abord répondre à l’une des principales préoccupations de nos concitoyens dans cette campagne présidentielle : le pouvoir d’achat. 

Emmanuel Macron est confronté à un défi de taille : renouer avec la confiance des Françaises et des Français.

En la matière, le programme d’Emmanuel Macron comportait plusieurs mesures telles que le triplement du plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, la suppression de la redevance audiovisuelle, ou encore l’attribution d’un chèque alimentaire aux personnes les plus démunies. Le président souhaite également prolonger le blocage temporaire des prix du gaz et de l’électricité, mesure qui devrait coûter environ dix milliards d’euros pour l’année 2022. 

Sur le sujet du partage de la valeur ajoutée, Emmanuel Macron propose de créer un "dividende salarié", dispositif qui prendrait la forme d’un versement obligatoire de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ou de primes "d’intéressement et de participation" aux salariés, dès lors que l’entreprise verse des dividendes aux actionnaires.

Si ces mesures sont de nature à augmenter le pouvoir d’achat des Français et à répondre à certaines des revendications sociales, le financement de telles propositions est plus difficilement perceptible. D’un point de vue budgétaire, la plupart des mesures d’Emmanuel Macron sont onéreuses : à titre d’exemple, le triplement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pourrait coûter jusqu’à six milliards d’euros par an aux finances publiques, soit, à titre de comparaison, la moitié du coût projeté du Ségur de la Santé pour 2022 ou encore l’équivalent pour l’État de la construction de 450 000 logements sociaux supplémentaires par an.

Or les enjeux budgétaires du prochain quinquennat - bien loin du cœur du débat électoraliste de l’entre-deux-tours - sont réels et préoccupants. La loi de programmation des finances publiques couvrant la période 2018-2022, adoptée début 2018, prévoyait de réduire l’endettement public de 96,7 à 91,4 % du PIB en cinq ans, et de ramener le déficit de l’ensemble des administrations publiques à - 0,3 % du PIB. Mais la récession provoquée par la crise sanitaire en 2020 et les dépenses exceptionnelles de soutien aux entreprises ont fait exploser les comptes publics : le déficit et la dette publics ont atteint respectivement 6,5 % et 112,9 % du PIB en 2021. À noter toutefois, les dépenses publiques se sont relativement moins accrues en France que chez nos voisins européens : entre 2019 et 2021, elles ont augmenté de 10,7 % en moyenne en France contre 14,5 % dans la zone euro. Ainsi, sur les 560 milliards d’euros de dette supplémentaires qui ont été accumulés entre 2017 et 2021, près de 320 milliards sont imputables à la crise sanitaire : 165 milliards d’euros de "quoi qu’il en coûte" et environ 160 milliards d’euros de baisse de recettes fiscales et sociales. Il y a donc eu - au cours du dernier quinquennat d’Emmanuel Macron - une hausse de la dette publique de près de 240 milliards d’euros, liée essentiellement à la gestion "courante" des finances publiques par l’exécutif.

Pour répondre à ces difficultés, Emmanuel Macron annonçait lors de la campagne de l’entre-deux-tours, que son programme serait équilibré, contrairement à celui de la candidate du Rassemblement National. En effet, le président-candidat mise sur la réforme des retraites et le plein emploi pour récupérer respectivement 9 et 35 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour les caisses de l’État. La modernisation et la numérisation de l'État ainsi que la baisse des dépenses des collectivités locales permettraient également d’économiser 25 milliards d’euros chaque année lors du prochain quinquennat.

L’application du projet d’Emmanuel Macron devrait plutôt accroître le déficit public de 44,5 milliards d’euros supplémentaires par an. 

De tels résultats semblent pourtant difficilement atteignables. Selon les calculs effectués par l’Institut Montaigne dans le cadre de son opération de décryptage des programmes des candidats à la présidentielle, l’application du projet d’Emmanuel Macron devrait plutôt accroître le déficit public de 44,5 milliards d’euros supplémentaires par an. Avec un tel déficit, le niveau d’endettement public rapporté au PIB devrait continuer à progresser jusqu'à 117 % en 2027. Le niveau de déficit s’élèverait alors à environ 5,1 % du PIB. Ce financement des dépenses publiques par la dette nous expose à un risque réel d’une potentielle remontée des taux d’intérêt - relativement faibles actuellement - qui menacerait durablement la crédibilité financière de notre pays.

Afin de conserver des marges de manœuvre budgétaires, Emmanuel Macron devra donc réussir son pari : revenir au plein emploi en capitalisant sur les dernières évolutions positives du taux de chômage en France, renouer avec un niveau de croissance économique durable et rapide tout en réalisant des économies supplémentaires sur certaines dépenses de fonctionnement de l’État et des collectivités locales.

En ce sens, les prochaines réformes seront décisives - retraites, fiscalité sur la production, aides sociales ou encore refonte des institutions - nécessiteront un portage politique fort. La réforme des retraites constitue évidemment l’un des principaux risques sociaux dans cet agenda politique pour le gouvernement : à ce stade, 64 % des Français se déclarent opposés à cette réforme telle que proposée par Emmanuel Macron. À cet égard, les élections législatives constituent un première étape vers la formation d’une majorité présidentielle solide, préalable indispensable à toute action gouvernementale. Les alliances politiques potentielles et la notion même d’un "troisième tour" tendent toutefois à suggérer que ces élections sont loin d’être une simple formalité pour l’exécutif : pour pouvoir gouverner, il faudra gagner.

 

Copright : Ludovic MARIN / AFP

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